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par etienne_bxl » mardi 30 juillet 2013 1:44
CHAMPIGNONS :
Toxicologie
Syndrome digestif banal. De nombreux champignons sont souvent indigestes; une
consommation excessive d'espèces comestibles ou une cuisson insuffisante peuvent
être la cause de dérangements intestinaux. Certaines espèces sont plus indigestes que
d'autres ou occasionnent des accidents ± graves, parfois aléatoires selon la susceptibilité
des consommateurs. Les syndromes gastriques viennent de:
Russules et lactaires âcres, mal cuits ou non blanchis. Le bolet Satan serait consommable
bien frais et suffisamment cuit mais des accidents ont cependant été signalés,
avec nausées, vomissements et parfois coliques ou diarrhées, et même hospitalisation.
Agaricus xanthoderma (psalliote jaunissante) et A. romagnesii (psalliote radicante) provoquent
des digestions pénibles avec lourdeurs d'estomac, parfois vomissements et
plus rarement diarrhées, généralement sans séquelles graves. Certains consommateurs
ne semblent pas sensibles. Macrolepiota venenata (fausse lepiote déguenillée) possède
à peu près les mêmes symptômes avec parfois perte de connaissance dans les cas graves,
mais serait bien tolérée, selon certains consommateurs, après cuisson prolongée,
en ragoûts ou plats mijotés. Tricholoma josserandii et certaines formes de T. pessundatum
sont les rares tricholomes déconseillés, en plus du T. pardinum plus dangereux et
cité plus loin, avec les equestres.
Il existe des formes écologiques parfois indigestes ou mal supportées d'Amanita rubescens
(oronge vineuse), sous conifères, Clitocybe nebularis, parfois Lepista nuda
(le pied bleu), Lepista inversa, Armillariella mellea et Flammulina velutipes, mal
conservés ou consommés tardivement. Certaines récoltes de Russula olivacea ont
provoqué quelques accidents en Italie. Les hypholomes et de nombreux entolomes et
hébélomes sont déconseillés.
Syndromes intestinaux. Les espèces précédentes peuvent aussi occasionner des
diarrhées. Ramaria formosa (clavaire élégante) est simplement purgative sans gravité;
R. pallida [mairel] semble plus dangereuse. Les bolets (Suillus) du groupe granulatus
et plus rarement S. luteus (la nonnette voilée) sont réputés pour leurs accidents
purgatifs ± aléatoires mais parfois pénibles ou fatigants.
Syndrome cardiovasculaire. Rare, occasionné par l'ingestion de quelques espèces
de coprins (généralement C. atramentarius, C. micaceus et affines) en même temps
que des boissons alcoolisées; c'est l'effet "Antabus" utilisé parfois en médecine pour
la désintoxication des alcooliques. Se caractérise par une vasodilatation intense, surtout
au niveau de la face, avec rougeurs et troubles cardiaques, apparemment sans
grande gravité. Le traitement consiste surtout à supprimer les boissons alcoolisées
pendant plusieurs jours.
Syndrome hallucinogène ou psilocybien. De nombreuses espèces exotiques (strophaires
et psilocybes, parfois lycoperdons, du Mexique; russules et bolets du Pacifique
etc.) ont été étudiées pour leurs propriétés hallucinogènes parfois utilisées au cours de
rites religieux. En Europe seuls quelques panaeoles et le Psilocybe semilanceata semblent
posséder suffisamment de psilocybine mais parfois de façon aléatoire. On soupçonne
aussi Stropharia aeruginea et caerulea, Mycena pura et quelques hypholomes et
psathyrelles. (Voir Roger Heim, Champignons toxiques et hallucinogènes).
Syndrome ergotique. Occasionné par les alcaloïdes des ergots de graminées qui
sont des sclérotes de Claviceps (Ergot de seigle) . Les intoxications, souvent accidentelles,
étaient connues sous le nom de "Feu de St. Antoine", avec pour principal symptôme
une vasoconstriction intense avec gangrène des extrémités et parfois la perte
de doigts ou de membres dans les cas graves (farines ergotées en boulangerie, foin
ergoté pour l'alimentation du bétail etc.). Néanmoins certains dérivés de l'ergot de
seigle sont très utilisés en médecine.
Sydrome rés inoïde ou gastro-entérique. ou gastro-entérique. Syndrome intestinal très douloureux avec
tableau clinique souvent spectaculaire et alarmant (douleurs abdominales intenses)
et d'apparition rapide, de quelques minutes à une (ou deux) heures après l'ingestion.
Les calmants nerveux et antispasmodiques ont souvent rapidement raison de ces désagréments,
et les séquelles sont rares, sauf en cas de déficience préalable hépato-rénale.
Les champignons responsables sont appelés "les Méchants": Tricholoma
pardinum, Omphalotus illudens (Clitocybe ou pleurote de l'olivier) et Entoloma lividum.
Ce dernier, appelé "le Perfide", est considéré comme le plus "méchant' des trois.
Syndrome muscarinien. La muscarine est un dérivé de la choline à propriétés voisines
de celles de l'ésérine ou de la pilocarpine (ralentissement du coeur, vasodilatation
avec baisse de tension , augmentation du péristaltisme intestinal avec diarrhées,
sueurs, salivation et parfois nausées et vomissements). L'antidote classique est la
belladone (atropine) mais il doit être utilisé avec circonspection.
Les champignons responsables sont: nombreux inocybes, en particulier ,. patouillardii,
,. fastigiata, ,. asterospora, ,. geophylla etc., clitocybes blancs des groupes de
C. dealbata-rivulosa, C. candicans, C. cerussata etc. Les confusions viendraient du
rarnassage des hygrophores blancs. L'amanite tue-mouche (A. muscaria) contient de
faibles quantités de muscarine (d'où le nom), mais insignifiantes par rapport à d'autres
toxines aux effets ± opposés (cf ci-après).
Syndrome myco-atropien ou panthérinien. Intoxication assez complexe dont une des
toxines, découverte sous le nom de myco-atropine ou pilzatropine, serait responsable de
symptomes ± atropiniques, donc opposés aux précédents, c'est à dire augmentation du
rythme cardiaque, vasoconstriction et hypertension, assèchement des rnuqueuses etc,
symptomes ± modifiés par d'autres toxines mal connues, les unes à propriétés ± dopantes,
amphétaminiques ou adrénaliniques (à petite dose) et d'autres ± hallucinogènes,
voire aphrodisiaques. Ces effets se manifestent rapidement après l'ingestion.
Les champignons responsables sont: formes "écologiques" d'Amanita junquillea
(amanite jonquille), d'ailleurs souvent consommée impunément; l'amanite tue-
mouche (A. muscaria), peu dangereuse à petite dose; les cas mortels sont rares
ou il s'agit d"overdose" chez les peuplades qui s'en servaient comme drogue excitante
au cours d'orgies particulières; l'amanite panthère (A. pantherina) est plus
dangereuse et il a été signalé des cas mortels.
Les traitements sont à base de calmants, barbituriques, bromures etc. Les antidotes
de l'atropine (ésérine ou pilocarpine) ne semblent pas donner les résultats escomptés
du fait de la complexité des toxines responsables (voir ci-dessus: rnuscarine).
Syndromes tardifs ou phalloïdiens. Ces syndromes sont remarquables par deux
points communs qui sont: l'apparition tardive des symptomes, de quelques heures à 1
ou 2 jours après l'ingestion; et la gravité de l'intoxication qui est le plus souvent mortelle.
C'est aussi une des intoxications dont le mécanisme est encore en partie mal
connu et pour laquelle plusieurs écoles de chercheurs toxicologues ont proposé solutions
et traitements parfois disparates.
Les symptomes peuvent se résumer comme suit. Apparition tardive de malaises pénibles
indéfinissables. Gastro-entérite aigüe avec vomissements, diarrhées douloureuses,
fétides ou sanguinolentes, parfois pendant plusieurs jours. Sueurs
profuses, déshydratation et soif intense. Périodes de rémission; le malade se croit
guéri (et peut même reprendre ses activités normales). Reprise des symptomes précédents
avec hypothermie, refroidissements, pâleur cadavérique (tableau clinique du
choléra) puis prostration, coma et mort si absence de traitement; c'est la phase dite
"hépato-toxique".
" s'agit en fait d'une hépatite grave dont le mécanisme, très compliqué, peut se résumer
succinctement par une destruction des cellules hépatiques entraînant l'arrêt de la
synthèse des acides aminés, enzymes etc, nécessaires à la vie ... on peut parler d'un
"antibiotique" à l'échelon humain. Les traitements ont été nombreux et leur histoire
prendrait trop de place ici ; disons qu'ils sont du ressort d'hôpitaux spécialisés et qu'en
attendant on peut toujours donner des boissons chaudes, sucrées ou salées avec adjonction
de vitamine C et d'un antibiotique intestinal de type furadoïne. L'administration
en perfusion est évidernment plus efficace que par voie orale.
Le syndrome phalloïdien proprement dit, le plus grave et (en Belgique) responsable de 95% des
accidents mortels, est du à l'ingestion des amanites du groupe phalloides, A. phalloides:
type et var. alba, A. verna, et A. virosa. Les confusions viendraient surtout du
ramassage rapide des tricholomes verts ou jaunes des groupes sejunctum, fucatum
et equestre; ou blancs (Trichcoloma columbetta). Se méfier aussi des russules
vertes: R. virescens, aeruginea, heterophylla etc. pour l'amanite phalloïde, et des
psalliotes et lépiotes (Leucoagaricus) pour les suivantes.
Le syndrome dit para-phalloïdien, maintenant considéré comme identique au précédent,
voire presque aussi grave, est occasionné par:
Les lépiotes du groupe helveola et affines (L. helveola, L. josserandii, L. kuehneri, L.
brunneoincarnata, L. pseudohe/veola etc.). Toutes les "petites" lépiotes (moins de 10
cm) doivent être considérées comme suspectes et ne doivent pas être consommées,
les quelques rares comestibles étant très faciles à confondre avec les toxiques. Galerina
marginata (et affines) et Pholiotina (Conocybe) filaris. La première ne doit pas
être confondue avec la pholiote changeante (Kuehneromyces mutabilis). La suivante
est très rare et relativement gracile pour être consommée mais tout est possible si l'on
a l'habitude de ramasser les galères et conocybes.
Le syndrome orellanien. Les troubles hépatiques sont parfois moins accusés mais souvent
accompagnés de néphrites graves pouvant entraîner la mort par crise d'urémie.
Cortinarius orellanus, C. speciosissimus, C. orellanoides et affines sont les principaux
responsables. Confusion difficile avec les comestibles classiques mais ce sont les
consommateurs de cortinaires qui sont en danger, d'autant plus que ce genre était
considéré autrefois comme entièrement comestible. Cortinarius splendens et divers
Phlegmaciurn (Scauri,) de couleurs jaunes ou orangées; faciles à confondre avec les
tricholomes du groupe "équestre". Ces cortinaires ne sont pas toujours rnortels mais
les séquelles rénales sont très graves et souvent irréversibles (rein artificiel). Les dermocybes,
surtout ceux à couleurs rouges (Cortinarius sannguineus, anthracinus,
phoeniceus, cinnabarinus etc.) sont considérés comme suspects jusqu'à nouvel
ordre, de même que les cortinaires de couleurs roussâtres, jaunes ou rougeâtres qui
contiennent souvent des dérivés anthraquinoniques responsables des accidents.
Le syndrome gyromitrien, de gravité variable ou aléatoire, ne se déclancherait qu'à
la suite de l'ingestion de champignons frais, insuffisamments cuits, ou alors en quantité
trop importante ou trop souvent renouvelée.
Gyromitra esculenta et espèces affines, souvent vendues sur les marchés ou en
conserves, ne seraient consommables sans danger qu'après dessication puis cuisson
importante après avoir rejeté la première eau; les conserves ne semblent pas
occasionner d'accidents jusqu'à nouvel ordre. On a aussi incriminé les effets de
sensibilisation à la suite de consommations répétées. Sarcosphaera crassa (pézize
remarquable). " est conseillé de s'en abstenir même cuite. Pour les helvelles (H. crispa
et lacunosa) une cuisson suffisante écarte tout danger. Paxillus involutus ne pourrait
être consommé qu'en ragoûts et plats fortement mijotés; s'en abstenir totalement
est peut-être plus prudent.
Enfin il faut admettre que même les morilles, toujours bien cuites, et en quantité trop
importante ont peut-être occasionné des petites crises de foie sans gravité mais il s'agit
parfois de simples excès alimentaires ou d'une sensibilité individuelle particulière.
Des syndromes nouveaux ont été découverts récemment:
a) Rhabdomyolyse aigüe, symptômes douloureux provoqués par les tricholomes du
groupe T. equestre, en particulier T. auratum (Bidaou.) en cas de consommation trop
importante ou répétée.
b) Acromélalgie: douleurs et brûlures des extrémités des membres occasionées par
Clitocybe acromelalga au Japon et C. amoeonolens en France, ce dernier pouvant
rappeler les lépistes du groupe inversa.
Extrait du livre "Champignons de France et d'Europe occidentale" écrit pat Marcel Bon