Dimitar Talev (1889–1966)
Dimitar Talev laissa une œuvre abondante, très appréciée des lecteurs bulgares. Elle traversa une grande partie du XXe siècle alliant les traditions de l'Éveil national aux recherches littéraires des années d'entre les deux guerres. Elle fut aussi la preuve que, malgré la chape idéologique qui s'abattit sur la Bulgarie immédiatement après l'instauration du régime communiste, la flamme de la littérature bulgare restait toujours vivante.
Né à Prilep, en Macédoine, il fréquenta les lycées de Thessalonique et de Skopje. Après avoir tenté des études de médecine, il vint, comme beaucoup de jeunes Bulgares issus de cette région, poursuivre son instruction à la Faculté de langues slaves de Sofia. Après la Première guerre mondiale, la Bulgarie, vaincue, devait non seulement surmonter les conséquences de la guerre, mais prendre en même temps conscience de l'effondrement d'un mythe qui, depuis le XIXe siècle, avait nourri les aspirations de sa population et inspiré sa politique étrangère : l'unification, sous sa bannière, des territoires peuplés de Bulgares restés dans les limites géographiques des pays voisins, notamment en Macédoine. Originaire lui-même de cette région, Dimitar Talev devint tout naturellement rédacteur du journal Makedonia dans lequel il défendit les droits de ses compatriotes. Il collabora aussi au journal Zora (Aurore), orienté plutôt à droite.
À l'arrivée des communistes, il fut arrêté et accusé, pour son activité journalistique, de chauvinisme et de propagation d'idées fascistes. Sans aucune forme de procès, il fut interné dans les sinistres camps de travail de Bobovdol et de Kounitza. Il en sortit la santé ébranlée et interdit de séjour à Sofia. Il eut même la surprise de lire, dans la presse, une fausse autocritique, signée de son nom. On ne lui accorda, bien évidemment, aucun droit de réponse. Il continua cependant d'écrire et réussit à faire publier, dans les années cinquante, un cycle de romans, une fresque monumentale des événements tragiques qui secouèrent la Macédoine au début du XXe siècle : [1]
Le jour de la Saint Élie, Le candélabre de fer et Les cloches de Prespa.
Auteur de pièces de théâtre, de nouvelles, d'une multitude de recueils de récits, parmi lesquels La vieille maison (1938), La clé d'or (1935), de chroniques historiques, dont un cycle sur le tsar Samouïl, ses livres font partie des ouvrages classiques que contiennent les bibliothèques des Bulgares.
Le récit Les vendanges fut d'abord publié, en 1943, dans les pages du journal Makedonia.
Ralitsa Mihailova-Frison-Roche
[1]↑ L'insurrection de Saint Élie (Ilinden) - La Macédoine, sur le territoire de laquelle se mêlaient plusieurs ethnies dont un nombre considérable de Bulgares, majoritaires dans certaines régions, fut, depuis le XIXe siècle, au cœur des querelles qui opposaient les pays balkaniques. Partagée entre plusieurs États, elle dut subir toutes sortes de politiques répressives et assimilatrices de part et d'autre auxquelles la population tenta de résister avec véhémence. Ainsi une insurrection éclata en juillet 1903, le jour de Saint Elie (Ilinden). Elle visait la libération de la région de toute présence ottomane. Les représailles furent impitoyables, des centaines de villages furent détruits et leurs habitants massacrés. Le monde occidental redécouvrit les atrocités contre les Bulgares.